
"Petites stratégies d'avenir
L'avenir n'existe pas. C'est une construction mentale. Et quand j'écris l'avenir, je ne parle pas nécessairement des dix années qui viennent, mais peut-être de la minute qui suit, ou du rendez-vous qui vous attend cette après-midi. La minute n'existe pas. Le rendez-vous non plus. Ce sont des images mentales, ou - mathématiquement - des événements probables.
Pour autant, est-il possible de ne pas penser l'avenir ? Schématisons à l'extrême :
- les peuples orientaux, et ceux du Sud, ont traditionnellement une approche plus fataliste de l'avenir. Ce qui arrivera est affaire de destin. Ce qui doit arriver arrivera. Ce que l'on projette de faire dans l'avenir est toujours improbable, fragile, soumis au hasard, ou à la bienveillance divine. Inch Allah !
- Les occidentaux vivent dans l'avenir. C'est-à-dire qu'ils tendent à habiter un espace mental tout entier polarisé par le temps qui vient. Pour orienter le champ des possibles, ils modélisent ce qui est susceptible d'advenir - ils font des plans, prévoient des stratégies, remplissent des agendas.
Les uns prennent le risque d'abandonner la construction du présent faute de se sentir décideur de l'avenir. Les autres, celui de ne plus vivre l'instant parce qu'ils sont absorbés dans un rêve de futur.
Ajoutons que bien souvent l'anticipation est anxiogène (par exemple, quand on pense à l'avenir sous la forme d'interrogations dont on ne peut avoir la réponse : serai-je à la hauteur de l'événement, va-t-il venir au rendez-vous, les circonstances seront-elles favorables, etc.). Et le plus souvent cette interrogation, cette projection dans des circonstances espérées ou redoutées, se réalise à un niveau subconscient. Cela signifie qu'il arrive que l'on en prenne conscience -- mais que bien souvent il s'agit, comme disent les informaticiens, d'une "tâche de fond".
Parmi les stratégies conscientes à mettre en oeuvre par une personne, je vois notamment celles-ci:
- s'inscrire consciemment dans une démarche de réflexion systématique sur l'avenir. C'est la prospective. Sur le plan individuel, on peut utiliser des outils comme la visualisation en PNL: construire une image mentale qui représente les objectifs que nous voudrions atteindre, se représenter les succès de nos efforts, etc.
- prendre du recul par rapport au "singe mental" et à ses agitations. Donc se réancrer dans l'instant, dans le présent du corps et du souffle (pratique de la méditation, du yoga, du Zen, etc.) Expérimenter le lâcher-prise et le détachement, le non-vouloir.
- Faire un travail en profondeur avec un professionnel compétent et bienveillant sur les motivations inconscientes de nos anticipations : reconnaître les racines d'un manque de confiance ou d'une anxiété devant l'approche des événements. Psychanalyse, psychothérapies...
- devenir philosophe. Apprendre le fatalisme éclairé auprès des bons auteurs et des vieux sages.
Evidemment aucune de ces démarche n'est antagoniste d'une autre. C'est dire qu'il y a de quoi faire pour accepter demain avec confiance.